Marie-Ève Aubin, merci de vous adresser aux jeunes lecteurs d’Actuailes. Pourquoi avoir accepté ?
En cette période préélectorale, les sondages se multiplient dans la presse et suscitent beaucoup de questions. La multiplication des sondages est un phénomène récent, grandement facilité par le développement de l’informatique. C’est ainsi qu’on s’attend à plus de 500 sondages pour la présente élection présidentielle (une centaine en 1981).
Nos lecteurs de 10 à 15 ans, par les conversations dans le bus, les journaux, la télévision, entendent parler de sondages. Qu’est-ce qu’un sondage ?
La définition en est désormais donnée par la loi elle-même : « Un sondage est une enquête statistique visant à donner une indication quantitative, à une date déterminée, des opinions, souhaits, attitudes ou comportements d’une population par l’interrogation d’un échantillon. »
Un sondage n’est pas une prédiction*. II n’y a donc pas lieu de reprocher aux instituts de sondages de s’être trompés, de ne pas avoir prévu ceci ou cela, par exemple, que M. Fillon remporterait la primaire de la Droite et du Centre. Non, ils ne se trompent pas, car ils n’ont pas la prétention d’annoncer par avance un résultat.
Mais alors comment fait-on ces fameux sondages qui passionnent les adultes ?
Il faut d’abord constituer des échantillons de personnes à interroger. Cela peut se faire soit de façon aléatoire, à partir d’une base de données comme l’annuaire du téléphone, mais il faut alors des échantillons nombreux, soit selon la méthode des quotas, grâce aux recensements de l’INSEE qui permettent de connaître la répartition de la population par sexe, âge, catégorie socio-professionnelle, région, catégorie d’agglomération.
Avec cette méthode, le plus fréquemment utilisée en France, des échantillons de 800 à 1 000 personnes sont largement suffisants.Il faut aussi interroger des échantillons représentatifs. Pour les sondages électoraux, il faut que l’échantillon soit représentatif sous deux angles, l’angle que l’on appelle « socio-démographique », fidèle à la composition de la population par sexe, âge, etc., et l’angle politique, comportant des personnes appartenant à toutes les tendances politiques.
Pour s’en assurer, on interroge les personnes constituant l’échantillon sur leurs « souvenirs de vote » que l’on compare aux résultats réels des élections. On pondère ensuite, si c’est nécessaire, les résultats bruts obtenus.
Pourtant, la pertinence de ces critères de représentativité semble aujourd’hui discutée.
Les méthodes d’interrogation ont, elles aussi, beaucoup évolué : d’abord en face à face, puis par téléphone, et aujourd’hui presque exclusivement par Internet, méthode moins onéreuse, qui semble garantir une meilleure sincérité des réponses.
La rigueur méthodologique des sondages dépend beaucoup de la façon dont sont posées les questions. Celles-ci ne doivent pas être « orientées » ou posées dans un ordre qui induirait nécessairement une réponse. Ce problème ne se pose pas en principe pour les sondages d’intentions de vote qui sont les plus fréquents en période préélectorale.
Enfin, il ne faut pas perdre de vue que les sondages sont affectés de « marges d’erreur » qui peuvent atteindre 3 ou 4 % : cela veut dire qu’un résultat annoncé de 45 %, par exemple, se situe en réalité entre 42 et 48 %.
Vous êtes, depuis 2009, présidente de cette autorité créée il y a quarante ans et c’est donc votre deuxième élection présidentielle… Comment contrôler ces sondages ?
On pense, sans en avoir la preuve, que les sondages faussent ou orientent l’expression de leur suffrage par les électeurs. Cet effet est possible et même probable, mais personne ne peut dire comment il s’exerce : les électeurs volent-ils au secours de la victoire annoncée ou, au contraire, sont-ils soucieux d’éviter au perdant une défaite trop humiliante ?
Il n’empêche que c’est pour éviter que le choix des citoyens soit influencé par une appréciation, qui peut être erronée, des chances respectives des candidats qu’a été institué en 1977 un contrôle des sondages électoraux et plus généralement des sondages ayant un rapport avec le débat politique.
Ce contrôle est exercé par une commission assistée d’experts statisticiens qui, au vu de documents qui lui sont adressés par les instituts de sondages, s’assure de leur qualité et de leur objectivité, en ce qui concerne en particulier la taille et le caractère représentatif des échantillons. Lorsqu’elle estime qu’un sondage n’a pas été réalisé correctement (échantillon trop faible ou non représentatif, questions biaisées…), elle peut mettre en garde le public par une « mise au point ». C’est une arme qui peut paraître dérisoire, mais qui fait assez peur aux professionnel des sondages. La commission dispose, en revanche, de peu de moyens d’action à l’égard de ceux qui commandent les sondages, les publient et les interprètent.
*Prédiction : pronostic, prévision.
Actuailes n° 67 – 5 avril 2017
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