Au pays des pionniers, une star de télé-réalité peut devenir président !Une majorité d’Américains (et d’étrangers) pensaient que le victoire d’Hillary Clinton était acquise, la surprise est totale : le chapitre Clinton1 se ferme et une nouvelle ère politique va débuter.
Donald Trump est connu de tous les Américains, non pour avoir été homme politique, mais comme animateur d’émission devenu milliardaire à la tête d’un empire immobilier. Il devrait occuper le « bureau ovale » le 20 janvier 2017. Il dirigera alors pour quatre ans un pays à l’influence mondiale inégalée. Une bonne raison pour nous, Français, de nous y intéresser. Regardons donc ces élections sous différents angles : la démocratie, le rôle des médias, les raisons de la victoire et l’avenir.
La démocratie a parlé, mais le système électoral américain est très compliqué : savez-vous que, si Trump a gagné l’élection, c’est Clinton qui aurait remporté la majorité des voix exprimées2 ? Ceci est dû au système politique présenté dans la Constitution américaine et que ses auteurs, les « pères fondateurs », ont voulu équilibrer.
Dans un mode de gouvernement où les cinquante états sont presque autant de petits pays, une « démocratie pure » – qui consisterait à faire élire le président directement par les citoyens – aurait pu causer des injustices graves entre les états à forte et faible populations. Les citoyens votent donc pour des grands électeurs qui ont déclarés à l’avance soutenir l’un ou l’autre des candidats, et ce sont ces grands électeurs qui éliront vraiment Trump comme président en décembre.
Les médias ont joué un rôle particulier dans cette campagne. Les moyens d’informations traditionnels (chaines de télévisions, radios et journaux) se sont illustrés par leur partialité puis, ayant misé sur Clinton, par les erreurs de leurs pronostics. Cela peut s’expliquer par leur conformisme (= consiste à répéter ce que la majorité des autres médias principaux disent).
Et aussi par la disparition progressive du journalisme « d’investigation » (= enquêter dans les détails plutôt que de se contenter d’informations partielles ou de préjugés) qui demande du temps… que les médias n’ont souvent pas s’ils veulent faire sensation en étant les premiers à rapporter des faits : la rapidité prévaut sur la qualité. Pour ces élections, la majorité des médias n’ayant pas cherché à comprendre les motivations des électeurs de Trump ou des déçus d’Obama, n’a pas vu venir cette victoire. En revanche, les médias alternatifs (Internet, les réseaux sociaux, Twitter notamment) ont joué un rôle clé en diffusant des informations non livrées par les médias traditionnels permettant aux électeurs de s’informer avec des perspectives différentes, mais sans éveiller l’attention des grands médias.
Les raisons de la victoire sont nombreuses. D’abord, Trump a profité des faiblesses de Clinton. Elle n’a pas bénéficié d’un soutien solide dans son propre camp, car bon nombre de ceux qui, démocrates, auraient dû voter pour elle, n’appréciaient pas sa personne ou ont été déçus par Obama (président actuel lui aussi démocrate). Ensuite, elle a été handicapée par différents scandales. Si les responsabilités précises ne sont pas toutes clairement établies, elle a reconnu des négligences dans la diffusion de courriels sensibles.
De son coté, si Trump a gagné, malgré son inexpérience politique3, malgré sa critique par les médias4 et le coût moindre de sa campagne par rapport à celle de sa concurrente, c’est parce qu’il a compris mieux que Clinton la situation réelle de leurs compatriotes. Ces derniers sont mécontents de l’évolution de leur pays dans de nombreux domaines comme le révèle le rejet de l’emprise croissante de la capitale fédérale sur les états (raison pour laquelle Trump a dit vouloir « assécher le marécage [politique] de Washington » ou Clinton a bénéficié de 94 % de soutien !), le sentiment de ralentissement économique et de perte d’influence internationale du pays (d’où le slogan « Make America great again » = « Refaire des USA un grand pays ») et d’insécurité au sens large (de la gestion de l’immigration au terrorisme ou encore à la peur de l’avenir).
Après avoir identifié ces problèmes, Trump a su en parler librement (parfois maladroitement), car, pour financer sa campagne, il n’a eu besoin de personne qui aurait pu influencer5 son discours. De plus, il ne s’est pas senti lié aux positions de son parti républicain. Sa franchise spontanée a donc naturellement séduit lorsqu’elle a éclairé les débats relatifs aux sujets qui inquiétaient. Son expérience du monde privé va aussi lui faire aborder de nombreux problèmes avec une approche plus pratique qu’idéologique, porteuse d’idées nouvelles.
Quel avenir ? Une fois que Trump aura pris ses fonctions de président, il pourra mettre son programme politique en chantier. Celui-ci va être clarifié dans les semaines qui viennent, car ses propositions officielles ont souvent manqué de clarté. Trump devra pour cela s’entourer de conseillers qui lui apporteront l’expertise nécessaire dans les domaines de son action (économie, politique sociale, défense, politique étrangère...).
Se renseigner sur leur profil permettra de prévoir la tournure de la politique future, les changements devant intervenir avant deux ans pour que les deux années suivantes (un mandat dure quatre ans) permettent de porter les fruits satisfaisant les électeurs et ouvrant la possibilité d’une éventuelle réélection.
Ce qui s’impose d’emblée, c’est que Trump ne réalisera pas tout ce qu’il a promis pendant sa campagne, comme tous les présidents : certaines idées s’avèreront irréalisables, d’autres rencontreront une grande opposition et les sacrifices qu’il faudra consentir pour relancer le pays seront difficiles à faire accepter à une population qui souffrira toujours plus que ses dirigeants. Enfin, étant président de tous les Américains, Trump devra composer avec une partie de la population qui n’a pas voté pour lui.
Partant de ce constat que peut-on imaginer pour les cent premiers jours du président Trump ? En ce qui concerne l’économie, on peut raisonnablement penser qu’il va recourir à ses compétences d’homme d’affaires pour développer l’emploi et favoriser le retour de la production de nombreux produits aux USA, quitte à augmenter le protectionnisme (= rendre difficile l’exportation de produits vers les USA). En termes d’immigration, il devrait faire preuve de la fermeté qu’il a annoncée pour réduire les flux de migrants clandestins et pourrait renvoyer ceux qui sont aux USA illégalement afin de garder tout leur sens aux filières légales et par justice pour ceux qui émigrent aux États-Unis par ce canal.
Quant aux questions sociétales, Trump ne devrait pas vraiment toucher aux lois sur les armes. Il devrait en revanche préserver les valeurs de la famille traditionnelle et la liberté religieuse6. Pour les relations internationales, il sera sans doute plus pragmatique en acceptant, par exemple, de coopérer davantage avec la Russie tout en demandant aux pays que les USA protègent militairement de se prendre davantage en charge financièrement.
D’ici là, souhaitons, comme Barack Obama, bon courage au président Trump. Qu’il ait à cœur de conserver la relation spéciale qui lie les USA à la France, pays qui a aidé la jeune république à gagner son indépendance !
Coût général de la campagne électorale 5 milliards $ (le double de la campagne de 2012), 56,8% : pourcentage de la population ayant voté, 54% de femmes ont voté pour Clinton et 29% des hispaniques ont voté pour Trump.
Le vote des citoyens tombe un mardi, car il a été décidé en 1845 qu’après le repos dominical un jour de voyage était nécessaire à certains paysans pour se rendre au bureau de vote !
1 Bill Clinton a été président de 1993 à 2001 et sa femme Hillary ministre des Affaires étrangères de 2009 à 2013.
2 Cela est arrivé quatre fois dans l’histoire des États-Unis.
3 Ronald Reagan, président des États-Unis entre 1981 à 1989, avait une expérience politique assez limitée et a commencé comme acteur de cinéma. Il fut pourtant apprécié au point d’être réélu en remportant 49 des 50 états en 1984.
4 91 % des média auraient été hostiles à Trump durant les douze semaines précédant les élections (MRC Study : « Documenting twelwe weeks Trump Bashing »).
5 Les « dons » sont rarement désintéressés : une personne, une société, voire un pays, donnent de l’argent à condition que le bénéficiaire ne les critique pas et les soutienne.
6 Les nominations des juges à la Cour suprême seront un bon indicateur de l’orientation de cette politique. Dans le système judiciaire américain, la Cour suprême est l’organisme clé qui a le dernier mot lorsque des désaccords liés aux lois ne sont pas réglés au niveau des états, ou surviennent entre un état et la capitale. Ses décisions peuvent s’imposent aux états.
Actuailes n° 59 – 16 novembre 2016
Actuailes 2024 © Tous droits réservés. Conditions d'utilisation with & by Website-modern - Se connecter