Alors que le salon de l’agriculture vient de se terminer, Actuailes réfléchit sur un mot méconnu, la « permaculture », terme évoquant l’« agriculture permanente ».
1. Qu’est-ce que la permaculture ?
Tu peux la rencontrer dans de petits jardins urbains, sur des balcons, avec, par exemple, des semis en bouteilles installées sur de petites tours, dont les poteaux soutiennent des tiges de tomates, arrosées avec des eaux usées et filtrées. Elle est aussi pratiquée dans de « micro-fermes » juxtaposant plusieurs cultures : les pommes de terre alternent avec les haricots, les arbres fruitiers avec des arbustes à petits fruits, pour occuper au mieux le sol et limiter les mauvaises herbes.
Certaines définitions, comme celle de wikipédia sur l’Internet, sont compliquées. Cela donne l’image d’un concept « fourre tout » où l’on trouve de l’esthétique (on parle de design…), de l’écologie (durable, biodiversité...), de la morale (éthique...), sans oublier le mythe d’une « nature sauvage » vierge et généreuse. Cela ne cachetil pas une forme d’idéologie avec laquelle tout le monde serait d’accord ? On peut se demander si ce n’est pas un moyen d’arranger tout le monde afin de ne pas avoir d’opposants ?
2. Un des enjeux : lutter contre les mauvaises herbes
Au plan mondial, les mauvaises herbes, en faisant concurrence aux plantes cultivées, entraînent une perte de production d’environ 100 millions de tonnes de céréales. Que faire ? Certes, il serait simpliste d’opposer la « phytopharmacie » (lutter de manière physique avec des engrais par exemple) à la permaculture.
a. La phytopharmacie ?
Depuis les années 1960, les agriculteurs utilisent la « phytopharmacie » pour désherber. Est-ce risqué pour l’homme ou la faune de nos campagnes ? On invoque le principe de « précaution » : en l’absence de preuve d’innocuité d’une technique, il faudrait y renoncer. Certes, les herbicides sont des poisons, mais les produits de nos armoires à pharmacie aussi ! Seules des études « épidémiologiques » (c’est-à-dire qui étudient ce qui influence la santé des populations, comme les maladies ou l’alimentation) peuvent dire si ces produits provoquent cancers ou autres maladies et rien de tel n’est prouvé. Il faut appliquer un autre principe, celui de « prudence » qui met en balance les bénéfices et les risques d’une technique pour retenir le désherbage le plus adapté.
b. Les limites de la permaculture
La juxtaposition de cultures différentes rend difficile la mécanisation des récoltes. La permaculture impose donc beaucoup de main d’œuvre. En agriculture, on utilise un indicateur qui s’appelle l’UTH (unité de travail humain). En maraîchage, il faut une UTH pour 1 à 1,5 ha. En permaculture, il faut deux à trois fois plus de main d’œuvre (une UTH pour 0,5 ha). Pour les céréales, on a environ une UTH pour 100 ha ; mais, en permaculture, les chiffres n’existent pas, car elle est impossible à pratiquer pour les céréales...
Ces indicateurs sont économiques et l’utilité n’est pas un principe absolu. Il faut aussi mesurer les moyens écologiques retenus. Mais, on sait maintenant concilier les deux avec une « agriculture écologiquement intensive » fondée sur des technologies ayant un effet positif sur l’environnement.
L’argument de la création d’emploi est-il crédible ? Peut-on imaginer une population agricole deux à trois fois plus nombreuse ? Avez-vous envie de devenir agriculteur ? Combien parmi vous qui lisez Actuailes le deviendront-ils ? Près de 60 % des agriculteurs n’encouragent plus leurs enfants à leur succéder dans une activité jugée pénible. D’un côté, on les plaint, mais, à la moindre sécheresse, on leur reproche d’irriguer les productions que nous mangeons et on les met au ban de la société en exigeant d’eux des normes écologiques et administratives inapplicables, comme s’ils étaient sur le banc des accusés de la société.
Conclusion
Les techniques permacoles sont souvent prometteuses et ingénieuses.
Appliquée en milieu urbain, la permaculture peut être un outil d’éducation pour expliquer à une jeunesse coupée de la nature quelques-uns de ses mécanismes. Mais faut-il entretenir un rêve d’autonomie alimentaire ? Faut-il orienter l’emploi des temps libres vers la solidarité de proximité ou vers la permaculture sur balcon. Le temps est une denrée rare !
Au plan plus global, le véritable enjeu est celui des techniques applicables d’ici 2050 pour 10 milliards d’habitants, voire plus ensuite. Nos gouvernants ont raison de défendre l’agriculture familiale. La permaculture en est une forme. Mais en même temps, ils demandent à l’Organisation mondiale du commerce de supprimer les protections douanières. Sans frontières, le lait de Nouvelle-Zélande éliminera petit à petit les vaches de nos paysages et nos céréales seront exportées vers l’Afrique, mettant son agriculture en péril.
Le débat estil celui de la permaculture ou celui de la pérennité des agricultures les plus fragiles ? Le libéralisme généralisé à l’agriculture est le vrai problème, plus que la technique à utiliser, permacole ou autre.
Pour aller plus loin, cliquer ici ou sur http://jeunes25.les2ailes.com
Mots compliqués
Phytopharmacie : Vient des mots grecs phytón (« végétal »), et pharmakôn (signifiant à la fois le remède et le poison). La phytopharmacie est une technique chimique attachée à la santé des plantes. On peut lutter ainsi contre les mauvaises herbes (avec les herbicides) et contre les parasites que sont les insectes (insecticides) ou les champignons (fongicides). Comme l’évoque le mot grec, ces produits sont des poisons. Car, comme pour la pharmacie humaine, utilisés imprudemment, ils peuvent être dangereux. Innocuité : Du latin innocuus :« qui n’est pas nuisible ».
Ban et banc : Ne pas confondre les deux expressions : « mettre au ban de la société » (proche du mot « bannir » qui signifie « tenir à l’écart par le mépris ») et « se trouver au banc des accusés » (qui signifie « être mis en accusation »).
Actuailes n° 49 – 16 mars 2016
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