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Les banlieues sont régulièrement associées au chômage et à la délinquance. Le président a donc commandé un rapport sur ce qu’il convenait de faire pour les quartiers défavorisés. Qui d’autres pouvait accomplir cette lourde tâche que Jean-Louis Borloo, considéré aujourd’hui comme le père de la politique urbaine moderne ? Pourtant, le 22 mai dernier, Emmanuel Macron a annoncé qu’il ne mettrait en œuvre aucune des dix-neuf propositions de ce rapport intitulé « Vivre ensemble, vivre en grand ». Pourquoi ?
Depuis novembre 2017, Jean-Louis Borloo a rencontré plusieurs centaines d’élus et d’associations de terrain. Ils ont réfléchi et travaillé ensemble et, de ces cinq mois d’enquêtes et de réflexions, est né un grand plan très ambitieux pour aider les quartiers populaires. Dans toutes ces propositions, certaines mesures se sont particulièrement démarquées :
• Créer une fondation pour garantir et faciliter la rénovation urbaine alors qu’il ne faut pas moins de trois ans aujourd’hui pour lancer un projet de construction.
• Former une élite issue des quartiers en regroupant plusieurs acteurs et divers lieux qui soutiennent l’éducation des enfants sous la forme de « cités éducatives » et surtout créer l’« académie des leaders », une grande école donnant la possibilité aux plus défavorisés d’accéder aux plus hautes fonctions.
• Créer certains emplois clefs, comme par exemple des coachs sportifs (le plan en prévoit 5 000) dans les banlieues pour la réinsertion par le sport, ou en réserver d’autres comme à l’armée : sur les 21 500 recrutements annuels, 5 000 pourraient être proposés en priorité aux jeunes issus des quartiers populaires.
Malheureusement, toutes ces propositions ont un coût ; à vrai dire, c’est d’ailleurs l’essence même d’un tel plan : c’est un investissement. Pour être plus précis, il s’agit là d’un investissement d’environ 50 milliards d’euros et c’est l’une des deux raisons pour lesquelles l’exécutif ne le mettra pas en place. En effet, depuis son élection, Emmanuel Macron n’a eu de cesse de repousser toutes les mesures pour lesquelles il lui faudrait beaucoup dépenser.
La seconde raison pour laquelle le plan Borloo ne sera jamais mis en place, c’est que la politique est faite par des êtres humains, elle est donc notamment soumise aux relations entre eux et tout le monde dans les coulisses du pouvoir s’accorde à dire qu’Emmanuel Macron et Jean-Louis Borloo ne s’apprécient pas. Ce dernier a d’ailleurs ressenti le désengagement du président comme une profonde humiliation, notamment lorsqu’il a voulu placer le débat sur un plan communautariste en disant que ce n’était pas à eux, deux « mâles blancs », de décider du sort des banlieues ; deux mots dont la pertinence est encore débattue par les médias une semaine après leur prononciation.
À la place de « Vivre ensemble, vivre en grand », le président a donc promis de mettre en place quelques mesures de son cru : embaucher mille trois cents policiers en plus d’ici à 2020 pour la police de proximité, lutter contre les trafics de drogues, développer les centres d’apprentissage et pousser les cent vingt plus grandes entreprises françaises à s’impliquer davantage dans ces banlieues.
Au-delà de ses promesses, Emmanuel Macron ne veut pas avoir une stratégie « sectorisée » : un plan pour la banlieue, un pour la campagne, etc. Il espère plutôt que ses mesures auront un impact positif sur la France dans son ensemble. S’il ne retient pas les dix-neuf propositions du plan Borloo, il faut tout du moins espérer qu’il n’oublie pas la phrase d’ouverture du rapport : « L’heure est à l’action. »
Maximilien de Boussiers
Actuailes n° 86 – 30 mai 2018
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